Participation d’HumaPsy au colloque « 39 Alerte »
Table ronde « Pour l’hospitalité de la folie, NON A LA CONTENTION! »
Bonjour Mesdames et Messieurs les sénateurs,
je suis membre de l’association HumaPsy, des patients qui militent pour une psychiatrie humaniste, pour tous !
Nous savons qu’elle existe, car nous recevons au centre de jour Antonin Artaud à Reims, des soins humains, alors que de très nombreux patients et leurs familles, témoignent de méthodes qui nous semblent barbares.
Le soin que nous avons rencontré, la psychothérapie institutionnelle, est aujourd’hui attaqué, par ce que ce serait un soin trop long, difficilement quantifiable. Comme si on avait appris récemment à guérir – et vite ! – les maladies psychiques qui sont pourtant toujours qualifiées de maladies chroniques.
La folie ou la psychose, a toujours existé et elle a été décrite depuis la naissance de la psychiatrie, par des professionnels qui rencontraient des personnes atteintes de ce mal mystérieux. Aujourd’hui un discours exclusivement médical prend le relai pour la définir, comme si on venait de la découvrir ou de la comprendre ; il a envahi les médias comme pour éduquer les français à la considérer comme une maladie organique du cerveau, et renforcer la croyance que tout peut se régler avec les bons médicaments, ou l’électro-convulsivo-thérapie, ou la stimulation intra-craniène profonde.
Mais face aux échecs que rencontre cette façon d’exercer la psychiatrie, ce sont les malades qu’on a désignés comme « difficiles ».
Le discours du président de la république en 2008, assimilant malades psychiques à des personnes dangereuses, avait entre autre annoncé des mesures de sécurisation du personnel. La folie a toujours fait peur aux gens, mais maintenant même les infirmiers ont peur des malades. Aurions-nous changé ?
Quand la psychiatrie ne sait que prescrire des médicaments, tous les soignants de l’hôpital se transforment en gardiens, et si les patients ne deviennent pas assez rapidement raisonnables, soumis, la seule réponse c’est la punition, l’infantilisation, l’intimidation, la menace, l’injection de plus, et bien sûr la contention.
A partir de ce discours en 2008, patients et soignants du centre Artaud, ont partagé leurs inquiétudes pour l’avenir. Ensemble nous avons inventé dans les réunions du club thérapeutique, la « semaine de la folie ordinaire » que nous organisons depuis chaque année lors des SISM (semaine d’information sur la santé mentale). Nous y présentons des concerts, des spectacles, des expositions, et des débats, pour montrer qu’une personne suivie en psychiatrie a des talents, et qu’elle peut avoir découvert ou retrouvé, l’envie de s’adresser aux autres.
C’est peu de temps après le vote de la loi du 5 juillet 2011, qui a concrétisé d’autres promesses du discours du Président, que nous, les patients, avons créée l’association HumaPsy, pour pouvoir prendre part au débat public plus facilement, comme le font d’autres « associations d’usagers », plus puissantes.
Nous sommes allés débattre à Paris, Amiens, Blois, Angers, Le Mans, pour prouver que si on ne fait pas des fous des parias, s’ils peuvent s’exprimer, ils peuvent apporter beaucoup à la société.
De toutes les façons possibles nous continuerons à réclamer que les patients soient accueillis sans être réduits à leur diagnostic.
A informer les citoyens que le pouvoir de contraindre de la psychiatrie n’a jamais été aussi étendu, qu’elle peut décider pour eux d’un programme de soin standardisé, sans les connaître, sans les entendre.
Derrière chaque souffrance ou maladie, il y a une histoire, des drames passés,des échecs, des sentiments d’injustice, il y a des interrogations ou des croyances qui ont besoin d’être partagées. Il ne faudrait pas oublier que l’autre, le fou, le malade, est un homme ou une femme, un être de chair et d’os, un être humain, comme chacun d’entre nous ici.
Les droits de l’homme ne peuvent pas s’arrêter à la porte de l’Hôpital.
Sébastien, Olivia, Matthieu
Table ronde « Quels espaces citoyens pour les patients dans les établissements du sanitaire et du médicosocial ? »
LE CLUB, SCELLEMENT DE L’ALLIANCE THERAPEUTIQUE
L’arrivée dans un service de psychiatrie se fait souvent suite à un effondrement psychique, une défiguration du corps et du monde qu’il habite, l’hôpital doit être le lieu de reconstruction d’un nouveau monde, vivable, celui-ci.
Le monde extérieur est représenté par les soignants et ils doivent donner une forme à ce monde qu’il faudra réintégrer avec de nouvelles références d’autres « lieux sûrs ». Il est évident que l’hostilité envers les malades devrait être bannie des hôpitaux(c’est loin d’être le cas) mais aussi que l’indifférence et la distance ne sont pas des attitudes sécurisantes, seul un engagement clair des soignants aux côtés du malade permet que celui-ci puisse lui aussi s’engager dans le processus de soin.
Le club thérapeutique, du fait de l’engagement des deux parties permet au patient d’éprouver la solidité du/des liens qu’il tisse avec des soignants ou d’autres patients. La remise à plat des hiérarchies et des rôles dans l’espace du club permet aux soignants de ne pas s’enfermer dans une illusion de supériorité et aux patients de ne pas rester dans la soumission. Il offre aussi un espace permettant aux patients de révéler leur savoirs faire, leur énergie, leurs envies, les patient pouvant être aussi moteurs dans l’institution. Ainsi ils peuvent dans l’espace sécurisant et motivant du club mener à bien des action et se faisant reconstruisent une autre image d’eux mêmes.
Le club est un facteur instituant, par-là on peut transformer le cadre écrasant de l’administration pour faire de l’institution le lieu de chacun. Où les choses sont écoutées et entendues. La cogestion d’un objet commun est un facteur d’émulsion provoquant discussions, débats, échanges qui sont autant de signes de vie dans le quotidien mortifère qui s’installe si l’on en prend pas soin.
Le club thérapeutique, ne peut se résumer à une simple association loi 1901,en effet, les membres du club qui font partie du personnel que l’on dit soignant, doivent participer aux réunions et aux activité en y insufflant un surcroît de désir qui fait cruellement défaut aux plus souffrants, ils doivent aussi être dans le club en respectant une éthique soignante, qui dépasse la bienveillance. De plus l’engagement de l’hôpital dans une convention le rend aussi parti prenante de l’alliance thérapeutique.
Le club fait de vous un sujet politique. Un citoyen (peut être pas de cette cité présente, mais au moins du monde).
La réelle liberté de parole dans l’espace du club thérapeutique, rend insupportable qu’elle soit confisquée dans l’espace public. Comme c’est le cas dans la représentation des usagers, c’est d’ailleurs ce qui a motivé en partie la création d’HumaPsy.
La possibilité d’existence d’un club thérapeutique qui accorde de la place à la parole du patient au sein de l’hôpital public est un minimum en ces temps où l’on se gargarise de démocratie sanitaire.
Matthieu